Apprendre à lire en s’amusant!

Mon enfant de 3 ans a des difficultés pour parler. Est-ce qu’il est dyslexique?

Voici une question que j’entends parfois de la part de parents lorsqu’ils viennent en consultation logopédique pour leur enfant de 3 ans. La réponse que je leur donne est généralement la suivante: Pas forcément…

1) Premièrement, la dyslexie est un trouble d’apprentissage de la lecture qui affecte la précision et la fluence du déchiffrage des mots. Donc avant de parler de dyslexie, l’enfant doit déjà entrer dans l’apprentissage de la lecture à l’école. En cas de difficultés persistantes dans l’apprentissage de la lecture, on peut suspecter une dyslexie. Et pour cela, un bilan logopédique est nécessaire. Donc parler de dyslexie à 3 ans est un peu tôt…

2) En revanche, un enfant qui a des difficultés langagières à l’oral est à risque de développer des difficultés en lecture. Par conséquent, il sera important de surveiller l’apprentissage de la lecture chez leur enfant.

Et comme c’est important en tant que professionnelle de se mettre à jour régulièrement au niveau des recherches scientifiques,  j’ai découvert un article qui aborde la question! Il s’agit d’une petite revue de la littérature qui résume des recherches qui ont été effectuées sur le lien entre troubles du langage et troubles du langage écrit (déchiffrage et compréhension).

Introduction des auteurs:

Quand on parle de difficultés en lecture, 2 versants peuvent être touchés. Ces 2 types de difficultés, bien que différentes, semblent découler de difficultés d’acquisition du langage oral.

  • Le décodage: la précision et la fluence de lecture des mots. C’est le versant qui est affecté lorsqu’on parle de dyslexie. La dyslexie est associée à des difficultés dans le développement langagier oral, avec des difficultés persistantes dans l’acquisition de la phonologie. Ces difficultés phonologiques sont un obstacle important au déchiffrage des mots.
  • La compréhension de ce qu’on lit: les difficultés de compréhension trouvent principalement leur origine dans des difficultés d’acquisition de mots de vocabulaire et de la syntaxe des phrases.

 

Relations entre la dyslexie et les troubles du langage oral:

Une étude longitudinale de 5 ans a suivi le développement d’enfants venant de familles à risque de dyslexie et d’enfants ayant des troubles du langage oral dès l’âge de 3 ans jusqu’à l’âge de 8 ans.

Quatre groupes d’enfants préscolaires ont été recrutés:

1) Les enfants préscolaires venant de familles à risque de dyslexie: des membres de la famille ont déjà un diagnostic de dyslexie.

2) Des enfants préscolaires avec des troubles du langage oral

3) Des enfants préscolaires venant de familles à risque de dyslexie et avec des troubles du langage oral

4) Des enfants préscolaires ayant de faibles risques de développer une dyslexie (groupe contrôle)

Résultats:

Le langage à 3 ans et demi prédit les fondements du décodage:

– La connaissance des lettres de l’alphabet

– La dénomination rapide automatisée: la capacité de dénommer rapidement des images, des lettres ou des chiffres.

– La conscience phonologique: le lien entre le langage et la conscience phonologique est particulièrement fort.

2) Il y a un effet direct entre les capacités langagières d’un enfant à 3 ans et demi et la compréhension en lecture à l’âge de 8 ans.

Il ressort de cette étude que les enfants qui ont des difficultés langagières durant la période préscolaire sont plus à risque de développer à la fois une dyslexie et des difficultés de compréhension en lecture.

Toutefois, ces résultats ne sont pas aussi simples. Ce n’est pas inhabituel que des enfants qui ont un retard langagier « rattrapent » leur difficulté langagière. Dans cette situation, il ressort que des enfants qui « résolvent » leurs difficultés langagières au moment d’entrer dans l’apprentissage de la lecture tendent à développer de bonnes compétences de lecture. En revanche, les enfants qui ont des difficultés langagières persistantes sont à plus haut risque de développer des difficultés en lecture, avec plus de 40% des enfants affectés.

Ma conclusion personnelle:

Cet article nous montre que les compétences langagières orales durant la période préscolaire affectent l’apprentissage de la lecture. Les enfants qui ont des difficultés phonologiques sont plus à risque de présenter des difficultés à déchiffrer les mots, tandis que les enfants qui ont des difficultés lexicales et dans le traitement syntaxique sont plus à risque d’avoir des difficultés de compréhension en lecture.

Mais rassurez-vous, risque plus élevé ne signifie pas qu’un enfant qui a des difficultés langagières précoces va automatiquement avoir des difficultés en lecture. En revanche, c’est important de surveiller l’acquisition de la lecture chez les enfants qui ont (eu) des difficultés de langage oral.

 

Cet article est un résumé de l’article original suivant:

Hulme, C. & Snowling, M. J. (2016). Reading disorders and dyslexia. Wolters Kluwer Health, 28 (6), 731-735.